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lundi 20 mai 2013

Clarinette KELLER dans un tableau de François Léonard DUPONT WATTEAU (1756-1821)

Une petite balade dans le nord et une visite du magnifique musée des beaux arts de Lille m'a permis de faire une découverte intéressante et je ne suis pas sur que cela avait déjà été noté.
 Il s'agit du tableau " Attributs des Arts" de 1785 réalisé par François Léonard DUPONT  dit DUPONT-WATTEAU (1756-1821) pour sa réception à l'académie de Lille.
Attiré par cette jolie nature morte comportant des instruments de musique, je m'approche et observe la clarinette qui a mon grand étonnement comporte les marques de KELLER à Strasbourg avec les angelots. Discrètement je prends quelques photos....elles ne sont pas bonnes, mais c'est un commencement.

Marque " KELLER à Strasbourg  G "
Les instruments dans ce tableau sont particulièrement bien illustrés, avec bon nombres de détails.
 Mais qui est François Léonard DUPONT - WATTEAU ? Il est né en Belgique à Moorsel en 1756. Arrivé à Lille comme mécanicien il découvre la peinture et devient l'élève de Louis Joseph WATTEAU (1731-1798) dit WATTEAU de Lille, artiste peintre lillois, professeur de la classe de dessin de l'école centrale du nord et petit neveu du grand Jean Antoine WATTEAU (1684-1721).
Portrait de Louis Joseph WATTEAU par H.A.C Mailly.
François DUPONT épouse le 18 juin 1782 à Lille la fille de son professeur, Béatrice Joseph WATTEAU (1759-1823). Il peint en 1785 notre belle nature morte (signée "Fr. Dupont 1785") pour être agréé d'abord à l'académie des Arts de Lille, avant d'y être reçu à titre définitif en 1786.
Il peint des natures mortes dont il sera un des spécialistes mais aussi des portraits, des paysages et des miniatures. Sa carrière de peintre fut de courte durée car il abandonna la peinture vers 1798 pour se consacrer à sa première passion la mécanique. Il devait être musicien et ceci à son importance par rapport à notre tableau. Il est décédé le 7 février 1821 à Lille.
 Revenons à notre clarinette : Elle correspond parfaitement aux modèles de l'atelier KELLER à Strasbourg. Le modèle du tableau a été réalisé avant 1785, c'est à dire avant la mort de Jean III KELLER, donc a la période où les trois frères (Jean III, Isaac, Philippe) travaillaient ensemble.
Clarinette en Ut à 5 clés de "KELLER à Strasbourg". (collection particulière N.C.)


 
Voyons l'instrument en détail. 
Les marques : même si cela n'est pas bien visible sur nos photos, elles sont parfaitement visibles sur le tableau même sans loupe, " Angelot trompettiste (at)-KELLER-G" sur le corps main gauche, "A Strasbourg" corps main droite, "at-KELLER-A Strasbourg-G" corps du bas"


 Clarinette en Ut (Collection NC)


Clarinette à quatre corps (plus le bec), avec la particularité du XVIII° siècle : corps du bas et pavillon en une seule pièce.


5 clés carrées montées sur blocs......

Dont l'articulation de la grande clé du corps du bas typique de Keller.

A noter le bec qui se joue avec l'anche tournée coté lèvre supérieure, technique utilisée à cette époque.

....Et cette clarinette est en G c'est à dire en sol.

Les clarinettes en sol sont très rares, je n'en ai pratiquement pas trouvé au XVIII° et quelques unes au début du XIX° siècle (Schemmel, Stiegler...) et bien sur après les clarinettes turques.

Donc c'est une rareté....pour quelle musique ? Peut être une question pour les spécialistes de la clarinette....alors à vos commentaires.
 
Et cette clarinette en sol n'est pas là par hasard, puisque que la partition de ce tableau est en sol majeur.
Partition en sol majeur (1 dièse) et en 6/8.
 Là aussi avis aux experts qui pourraient reconnaître la partition.
 
Voilà il y a encore beaucoup à dire sur ce tableau....
 
Par exemple au niveau du basson ....qui pourrait être également de Keller, je ne l'ai pas assez regardé pour voir une marque. Il ressemble beaucoup à un basson de Bühner et Keller du musée de la Villette à Paris
Basson du Tableau.
Basson de Bühner et Keller du Musée de la Musique de la Villette E 604.
 
Détails du basson E 604.
Je ne suis pas un spécialiste des bassons mais il y a beaucoup de points communs (forme des clés...)
 
Alors les spécialistes du basson c'est à vous de jouer..... et les spécialistes des guitares....
 
N'hésitez pas à nous donner votre avis sur ce tableau.
 
 
Commentaires :
 
José Daniel TOUROUDE
 
"René, les clarinettes en sol sont longues forcément (autour de 70 cm ) d'où les clarinettes d'amour envoyées ;  si on agrandit encore l'instrument on se trouve avec les corps de basset en Fa. 
Pour la Schemmel je pense que c'est une clarinette en sol aigu (mais à prouver)"
Pour ton tableau , mesurer "la" Keller devient indispensable…. " 
 


Deux clarinettes d'amour en G, anonymes allemandes. (MET Muséum New York).
 Maurice VALLET.
 
Bonjour René,
Très joli tableau. Tu nous dis que cette belle clarinette de Keller est en sol. Je vois que la lettre marquée sous la signature Keller est un C ? Tu sais que cette lettre correspond à la note DO ou UT. Mon raisonnement est peut être faux ? A toi de me le dire, si tu le veut bien. Ceci dit, je te présente mes sincères félicitations pour le travail effectué sur ces blogs qui sont enrichissants.
Bien amicalement.

Maurice Vallet.
Florence GETREAU.
 
Cher René Pierre,
Lisant votre message concernant la peinture de François-Léonard DUPONT-WATTEAU, voici l'information que je peux vous apporter. J'ai analysé cette œuvre dans le catalogue d'exposition dont j'ai été le commissaire et l'auteur du catalogue en 2009 sous le titre de :
Florence Gétreau, Voir la musique. Les sujets musicaux dans les œuvres d’art du XVIe au XXe siècle, Musée départemental de l’Abbaye de Saint-Riquier, Musée de Millau, Musée des Beaux-Arts de Carcassonne, 2009, 154 p., 76 ill., http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00390348/fr/
J'ai identifié la musique, l'auteur de la clarinette, et j'ai proposé une identification pour la guitare. Je vous adresse en "PDF" le texte de la notice que j'ai rédigé. A mon grand regret, ce catalogue n'a été diffusé que dans les trois lieux de l'exposition et n'est plus disponible à la vente pour des raisons purement administratives (régies municipales). On peut cependant le consulter à la Médiathèque de la Cité de la musique, à la BNF, à la Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art à Paris. 
Je vous souhaite bonne lecture. Bien cordialement, Florence Gétreau

Florence Gétreau
Directeur de recherche au CNRS
Directeur de l'Institut de recherche sur le patrimoine musical en France (CNRS-Culture-BNF) www.irpmf.cnrs.fr
 
"Tous tes autres éléments se rapporte à la musique. Un basson est appuyé contre la table et comporte
semble-t-il cinq clefs, comme les spécimens réputés de Porthaux, facteur parisien contemporain
du tableau Une flûte traversière est placée à côté d'une clarinette. Construite en buis avec quatre clefs plates en laiton bien visibles. Celle-ci porte en trois endroits la marque au fer de la maison Keller, active à Strasbourg à la fin du XVlll siècle, ainsi que la lettre "G" indiquant la tessiture de l'instrument. On connaît de ce facteur une clarinette à cinq clefs conservée à Leipzig et trois autres instruments.
La feuille de musique placée contre la clarinette est probablement une œuvre de l'abbé Vogler
(Georg Johann Vogler, (1749-1814),compositeur attaché à Mannheim qui fit un séjour à paris entre 1779 et 1784. ll fut fréquemment joué au concert spirituel. A partir de 1781 plusieurs concertos pour clarinette de sa composition y sont exécutés par Michel Yost. Vogler est aussi l'auteur de variations pour clarinette sur l'air de Matborough. Nous pensons pouvoir identifier sur la feuille du tableau les quatre dernières lettres de ce titre, ainsi que " con Variatione ". L'autre feuille enroulée permet de lire une pièce vocale avec accompagnement de clavier. On déchiffre un "cœur"  et "rends nous ces biens". Enfin une magnifique guitare à cinq chœurs de cordes renvoie fortement par sa morphologie à la taille bien marquée et sa bordure de table qui semble faite de nacre et d'écaille, au travail du luthier  Gérard Deteplanque actif à Lille entre 1760 et 1790 dont plusieurs instruments sont conservés encore aujourd'hui. Une des feuilles de musique paraît destinée à la flûte. 
Très sélective quant aux arts évoqués (la sculpture et [a Musique), cette allégorie semble aussi insister sur la dualité entre "le plaisir de la vie (la  musique) et la souffrance de ceux qui sont sacrifiés (lphigénie et Hercule), tandis que l'urne nous parte de rédemption.
Les arts en constituent-ils l'une des voies ?"
Florence Gétreau

Denis Watel.
Bonjour René,
Intéressante, ta découverte sur le tableau de Lille !
Je regarderai tout cela plus en détail ce week-end, car la clarinette me parait bien courte pour une clarinette en sol (comparée à la mienne de Grundmann qui est datée 1775, à la patte de la flûte et à la taille des guitares de l'époque) à vue de nez, on dirait plutôt un instrument en Ut ou Sib !
En tout cas, peu de répertoire pour clarinette en sol en France  à part le Te Deum de Gossec, et encore, pas sur que les parties ne soient transposées par les musiciens
La clarinette en Sol est déjà dite "fort peu commune dans les orchestres" en 1772 par Louis Joseph Francoeur dans son Diapason général de tous les instruments à vent qui ne la préconise que dans les morceaux sombres ou funestes et qu'il ne faut pas trop la faire travailler (donc surtout des valeurs longues) ce qui ne semble pas être le cas du morceau sur la partition du tableau qui est un trois temps enlevé et qui donc logiquement devait être joué, d'après le même traité, par une clarinette en Ut.

Le basson semble en effet de la facture de Bühner et Keller.

Albert Rice.

Dear Mr. Pierre,
I must disagree with you about the nominal pitch of the clarinet painted by Watteau. It must be a clarinet in C not in G! It is too long to be a high G clarinet and too short to be an alto clarinet in G.
I have attached a photo of the Grundmann G clarinet owned by Denis Watel along with several other of his clarinets. This is a very long instrument that does not resemble the clarinet in Watteau's painting.  The "G" that you point to in the painting is really a "C" very likely a smudge as created the G.

Partie de collection de D.WATEL, dont à gauche
Clarinette en alto en sol de Grundmann.



 
 
 
 
 
 
 
 
 

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