samedi 21 novembre 2015

Mathias FROST (1765-1856) facteur de pianos à Strasbourg.

"Les premiers pianoforte construits en France semblent être ceux de Jean Henri SILBERMANN (1727-1799) installé à Strasbourg". (Les facteurs de pianoforte des provinces de France, (1760-1820) Jean Claude BATTAULT)
Strasbourg a été un des grands foyers de développement du pianos à la fin du XVIII° siècle.
Nous avons déjà consacré des articles à quelques membres de cette école strasbourgeoise du piano :
Geoffroy Louis EDELMANN (1753-1794) : Cliquez sur :  Article sur les Frères Edelmann
Jean Chrétien LOEGEL (1753-1794) et Antoine Thiébaud SCHOTT (1798-1836) : Cliquez sur Loegel et Schott deux facteurs de pianos strasbourgeois.


Aujourd'hui nous traitons d'un nouveau facteur de pianos : Mathias (Mathieu) FROST est né à Pest en Hongrie vers 1765. Il  était le fils de Simon FROST, canonnier dans les troupes impériales et de Catherine Braun. Il est arrivé à Strasbourg en 1792 et y travaille comme menuisier en 1795. Il épouse le 12 septembre 1795 à Strasbourg, Louise BLASDOERFFER, née le 25 janvier 1769.  Elle est fille de Pierre Blasdoerffer, maçon et de Catherine Klein. Ils auront six enfants, 3 garçons et 3 filles dont deux mourront en bas âge.  Anne Marie Louise FROST (1796-1837) tiendra un magasin de musique ; lors de sa naissance Sébastien KRAËMER, facteur d’orgues sera témoin. Jean Ignace FROST (1801-1849) sera le successeur de son père, Marie Salomé FROST,  née en 1806, qui a épousée Veet PFORTNER (1805-1850), artiste, arrivé à Strasbourg en 1826, venant  de Hoslau (Allemagne).


Signature de Mathias Frost.
Mathias FROST et son fils Jean Ignace FROST obtiennent, le 13 août 1828 un brevet d’importation et de perfectionnement de 10 ans pour un piano droit appelé sirène inventé à Vienne en Autriche par le Sieur Pramberger.
Titre du brevet de 1828. (Source INPI)
Ce piano consiste « dans l’isolement de la table d’harmonie et un nouveau mode d’attaches des cordes ».
Shéma du piano Siréne du brevet de 1828. (INPI)
Mathias Frost père décède à 71 ans le 31 décembre 1836 à Strasbourg ; étaient présent son fils Jean Ignace Frost et son gendre Victor Pförtner. C’est donc son fils qui prend sa succession.

Signature de Jean Ignace Frost.
On trouve dans certain annuaire la mention : « Frost breveté pour pianos secrétaires », en fait il s’agit sans doute de son piano Sirène, ancêtre du piano droit. Il expose régulièrement dans les expositions. Resté célibataire Jean Ignace Frost meurt à 44 ans le 31 mars 1846 au 24 place Pierre le Jeune. 
Signature de Vite Pfortner.
Vite (Victor) PFORTNER, le gendre prend la suite toujours N°4 place Saint Pierre le Jeune. Il avait épousé Marie Salomé FROST le 24 octobre 1831 à Strasbourg. Ils ont eu deux enfants,  Paul PFORNER (1832-1899) qui sera avocat à Strasbourg et qui à la suite de la défaite de la France en 1870, rejoindra Besançon où il exerça son métier d’avocat ; Alfred PFORTNER (1833-1856) qui sera musicien et fabricant de pianos décédera à 22 ans. A la mort de Vite Pfortner à 45 ans le 14 août 1850, son épouse aidé par son fils continuera jusqu’à la mort d'Alfred, le 19 janvier 1856. 

La firme Frost a produit 1264 pianos en 1837, 2432 en 1847. 
Pianoforte de M. FROST. (Vente paris 2013)
Chronologie :

1796 à 1799 : Mathias Frost, menuisier N°34 rue de l’Argile.
1801 : Mathias Frost claveciniste N°9 rue de l’Argile.
1804 : Mathias Frost, facteur de clavecins N°9 rue de l’Argile.
1806 : Mathias Frost, facteur de pianoforté N°9 rue de l’Argile.
1807 : Frocht, facteur de forte-piano, rue du Foulon à Strasbourg. (66)
1823 : Mathias Frost facteur de pianos habitait  avec son épouse et son fils Jean Ignace Frost au N°87 Vieux Marché aux Vins (à partir de novembre).
1824 : Frost (forté piano) N° 87 Vieux Marché aux Vins. (91)
1828 : Dépôt d’un brevet le 13 août.
1829 : S. Frost (associé à L. Pitois), 87 rue au Vieux Marché aux Vins à Strasbourg.
1830-1850 : Frost, breveté pour pianos à secrétaire. (67)
1836 : Mathieu Frost père et fils, fabricants de Forté pianos, brevetés pour la fabrication des pianos droits, 87 Vieux Marché aux Vins à Strasbourg. (72)
1836 : Veit Pfortner, professeur de musique, 87 Vieux Marché aux Vins, à Strasbourg. (72)
1836-1837 : Frost, facteur d’instruments, breveté pour pianos à secrétaire à Strasbourg. (63)
1846 : J. Frost, place Saint Pierre le Jeune, à Strasbourg. Fabrication de pianos droits, carrés, à queue. Expédie en France et à l’étranger. (90)
1850 1851 : Pfortner, Frost et Compagnie, fabricant de Pianos, 4 place Saint Pierre le Jeune, à  Strasbourg. (76)
1850 : Vite Pfortner, facteur de pianos N°4 place Saint Pierre le Jeune.
1853 : Professeur de Harpe, Madame Pfortner, 4 place Saint Pierre le Jeune, à Strasbourg. (76)
1856 : Louis François Pfortner, facteur de pianos 23 rue des Hallebardes.


Pianoforte FROST. (Musée des tissus de Mulhouse)





lundi 14 septembre 2015

Un alsacien Dominique KIMPFLIN (1778-1858) facteur d'instruments de musique à vent à Lyon.

Lors de la dernière vente d'instruments de musique à Vichy en mai dernier, un basson à 7 clés signé de KIMPFLIN à Lyon était proposé. J'ai voulu en savoir un peu plus sur ce nom alsacien.
Basson à 7 clès de KIMPFLIN à Lyon.


Dominique KIMPFLIN est né le 19 novembre 1778 à Guebwiller en Alsace dans le Haut Rhin. Son père Joseph KIMPFLIN habitait à Guebwiller avec Marie Marguerite PFAFFENZELLER. Lorsqu’il est arrivé à Lyon vers 1805, il est musicien et vit avec Anne NICOT 41 rue de la Limace à Lyon 2. Ils auront un enfant qu’il reconnaîtra, Joseph KIMPFLIN né le 3 mars 1809 et qui décédera à l’âge de 7 ans, le 13 mars 1815. Il loue jusqu’en 1810 une pièce pour 100 frs où il travaille comme tourneur à façon. Au décès de son fils il exerce le métier de tourneur au N° 29 de la rue Ferrandiére, sur la rue du Palais Grillet, et loue deux pièces au 4 étage jusqu'en 1817 où il ne loue plus  qu’une pièce. Il ne figure plus au recensement  de 1818 à cette adresse. 
Signature de Dominique KIMPFLIN.
De 1836 à 1843 il habite avec sa future femme Catherine BIECHLER (née en 1790 à Guébwiller) au 10 rue d’Amboise où il loue 3 pièces avec une partie habitation et une partie commerciale. Ils devaient avoir des problèmes financiers car il est précisé « Location divisée », ce qui signifie qu’ils avaient des conditions réduites sur les loyers. 
Marque du basson.


Elle était blanchisseuse et lui toujours tourneur à façon. Il est a noté que jamais dans les recensements, le nom de Biechler a été correctement orthographié (Brigolet, Puycheler, Pugilet). De 1844 à 1847 ils louent, toujours à la même adresse mais seulement une pièce au 3 iéme étage et sont signalés comme « Indigent, loyers 100 frs divisés », il exerce toujours son métier de tourneur mais en 1846 est ajouté « ouvrier tourneur pour instrument ». Ils se marient le 18 février 1858 à Lyon ; Dominique Kimpflin décède six mois plus tard, le 9 août 1858. Il avait 80 ans et habitait toujours à la même adresse ; il exerçait dans ses dernières années le métier de fabricant de cannes de parapluies.
 
Détail du basson.

On ne connaît qu’un instrument de ce facteur, sans doute parce qu’il fabriquait pour d’autres facteurs.

dimanche 5 juillet 2015

Découvrons les instruments strasbourgeois de la collection Marlowe A.SIGAL dans le catalogue qui vient de paraître.

Depuis quelques années les amateurs d'instruments de musique anciens sont gâtés car de nombreux ouvrages paraissent régulièrement, avec de magnifiques photos.
Après le catalogue de la collection de clarinettes de Sir Nicholas SHACKLETON :
...le magnifique ouvrage de Robert BIGIO sur la société RUDALL, ROSE et CARTE célébre pour ses flûtes....
.....C'est au tour d'Albert R.RICE de commenter l'une des plus prestigieuses collections mondiales, celle de MARLOWE A. SIGAL.

Cette collection permet de découvrir plus de 600 instruments anciens (pianos, bassons, hautbois, clarinettes, flûtes etc...), dont certains sont exceptionnels. Bien sur je n'évoque ici que des ouvrages centrés principalement sur les instruments a vent, et en bois. Nous évoquerons dans un autre article des ouvrages consacrés à d'autres instruments (Lutherie, cuivres...).
Pour notre part dans cette collection américaine nous avons découvert (ou redécouvert) des instruments strasbourgeois des plus intéressant, illustrant cette facture alsacienne si particulière.

Si vous voulez en savoir plus sur ces facteurs strasbourgeois cliquez sur ce lien du
Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique de Strasbourg.

Par exemple pour les flûtes :
°Un ensemble de deux flûtes à cinq clés, dont une flûte tierce en Fa dans leur coffret d'origine de Dobner et Consort vers 1830, période de la veuve de Joseph DOBNER (1744-1822).
Coffret de deux flûtes dont une en Fa de
Dobner et Consort. (Col. Sigal)
° Flûte Boehm de Charles RINKEL (a 1904-1924), successeur de Julius Max BÜRGER (a 1878-1904), que l'on peut dater entre 1904 et 1908, Pourquoi ? D'après la marque : « J M BURGER – C RINKEL Nachf-STRASSBURG ». Charles Rinkel Nachfolder (Successeur de....) et Strasbourg en allemand.
Flûte Boehm de Charles RINKEL. (Col. SIGAL)
° Flûte "romantique" à quatre clés de BÜHNER et KELLER vers 1825, période de l'association entre Jean BÜHNER (1798-1844), fils de Gabriel Sébastien BÜHNER (1753-1816) et de Jean IV KELLER (1776-1833).
Flûte à quatre clés de Bühner et Keller. (Collection Sigal)
° Flûte à 8 clés de Jean Daniel HOLTZAPFFEL (1770-1843) qui n'est pas vraiment un facteur strasbourgeois car il a exercé à Paris pendant plus de vingt ans, mais il est né à Strasbourg et était retourné dans sa ville natale en 1827 où il est décédé.
Flûte de J.D. Holtzapffel. (Collection Sigal)
Les bassons :
° Basson à 7 clés de BÜHNER & KELLER vers 1815.
Basson à 7 clés de Bühner et Keller. (col. Sigal)
° Basson à 8 clés de Georg Kaspar LINDEMANN  (1783-1846). Les instruments de ce facteur sont assez rares. Il était sans doute le neveu de Gabriel Sébastien BÛHNER, puisque sa mère était Barbara BÜHNER sans doute la soeur de G.S. BÜHNER tous nés  à Empfershausen dans le duché de Francfort.
Basson à 8 clès de Lindemann. (col. Sigal)
Les clarinettes :
° Coffret de 3 clarinettes (Ut, Sib, La) de BÜHNER et KELLER vers 1820. Comme dirait José Daniel TOUROUDE : "Le Graal du collectionneur d'instruments de musique strasbourgeois".
(Voir sur ce lien son Graal à lui : Le Graal des collectionneurs.
Set de trois clarinettes de Bühner et Keller. (Col Sigal)
Ces trois clarinettes sont à 11 clés carrées dont une clé ronde d'octave "wraparound", c'est à dire que le trou est percé sur le dessus de la clarinette et que la clé est activée par le pouce main gauche donc pour cela la tige entoure l'instrument...ce système permettant d'éviter que la salive s'accumule dans le trou quand il est placé dessous. Système que l'on retrouve sur des clarinettes plus récentes comme celles de Lefévre à Paris, ou Albert à Bruxelles, ou avec un autre système chez les lyonnais comme Simiot.
Détail de la clé d'octave sur le dessus.

Clarinette en Ut de Bühner et Keller. (Collection Sigal)
Ce système de clé d'octave est très exceptionnel, sinon unique pour des clarinettes de Strasbourg et surtout très tôt (vers 1820) évoquant la facture lyonnaise (Sautermeister, Simiot...), Est ce l'influence du passage de Simiot vers 1792 dans l'atelier des Bühner et Keller (?) qui aurait créé un lien entre ces deux capitales de la facture provinciale française.
Clarinette en La de Bühner et Keller. (Collection Sigal)
Clarinette en Bb de Bühner et Keller. (Collection Sigal)
° Clarinette en Ut des Frères KELLER à 5 clés. Les instruments de cette période des Keller sont rares ; pour les clarinettes nous connaissons une clarinette dans la collection Sallabery et une incomplète au musée des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Clarinette en Ut des fràres Keller. (Collection Sigal)
Merci à Albert R. RICE et Marlowe A. SIGAL pour ce travail qui nous permet d'approfondir notre connaissance de cette facture alsacienne.





mardi 9 juin 2015

Les Cochu, facteurs d'orgues et de pianos de père en fils, à Châlons sur Marne, Paris, Troyes, Auxerre.

La dynastie des Cochu débute à Châlons sur Marne par Jacques II COCHU (1693-1765) qui sera facteur d'orgues dans cette ville.
Signature de Jacques II COCHU  à son mariage en 1738.
  Il a été très actif en Champagne au niveau de la construction d'orgues, mais l'oeuvre la plus connue est sans doute l'orgue de la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Troyes.
Orgue de la cathédrale de Troyes.
En fait ce magnifique instrument a été réalisé par Jacques II COCHU pour l'abbaye cistercienne : Notre Dame de Clairvaux dans l'Aube en 1731 et 1736. Mais à la révolution l'abbaye est transformée en prison et l'orgue vendu comme bien public, heureusement racheté par les "Marguilliers" de la cathédrale en 1792 (les membres du conseil de fabrique). L'orgue sera démonté par le petit fils de Jacques II Cochu, René COCHU et placé dans la tour Saint Paul de la Cathédrale. Oublié jusqu'en 1808, il sera remonté toujours par René COCHU.

Jacques II COCHU se mariera deux fois et aura plusieurs enfants, dont avec sa première femme Marie Jeanne TARON : Jacques III COCHU né le premier septembre 1721 à Châlons sur Marne et qui sera lui aussi organiste et facteur d'orgues. Jacques II COCHU est décédé à 72 ans, le 29 mai 1765 à Châlons sur Marne.
Signature de Jacques III Cochu en 1766.
Jacques III COCHU était organiste de l'église Saint Germain à Châlons sur Marne, mais il travaillait également avec son père comme facteur d'orgue. Il avait épousé le 21 novembre 1746 à Reims Jeanne LEBEGUE (1719-c1767). Ils auront dix enfants dont René COCHU, né à Châlons le 15 août 1748, qui sera aussi facteur d'orgues. A la mort de sa première épouse il se remariera le 13 février 1767 à Châlons avec Marie Hyacinthe QUENAT dont il aura trois enfants. Jacques III COCHU est décédé le 20 février 1788 à Châlons à 66 ans.
Son fils René COCHU  a été formé par son père et son grand père. Il s'installa d'abord à Auxerre vers 1777 après avoir fait son apprentissage, son père étant resté à Châlons. Il y fut très actif, un de ses premier travail fut de reconstruire l'orgue de l'église de Saint Prix et Saint Cot à Saint Bris le Vineux en Bourgogne.
Eglise Saint Prix et Saint Cot.
En 1783 il réalisa un pianoforte dont "les jeux sont encore actionnés par genouillères". Il porte la marque de René COCHU à Auxerre.
Pianoforte de René Cochu à Auxerre fait en  1783.
(Musée Auguste Grasset de Nice)
Il épouse le 22 avril 1776 à Rozay en Brie en Seine et Marne Marie Anne Cécile PASCAL (1755-1828) dont trois frères sont organistes, Jean à Rozay en Brie, François à Joigny, Antoine à Pontigny. Ils auront au moins deux enfants.
Signature de René Cochu en 1776.
Vers 1796 il s'installe à Troyes au 7 rue du Flacon.

Le 4 rue du Flacon à Troyes.
Outre son travail sur le l'orgue de la cathédrale de Troyes, il réalise de nombreux instrument notamment en 1806 l'orgue de l'église Saint Jean au Marché.
Orgue de l'église Saint Jean au Marché  à Troyes de 1806.
Outre son travail de facteur d'orgue il réalise vers 1800 un pianoforte conservé au musée de Paris la Villette dont "la mécanique est à simple pilote, mais les jeux sont actionnés par des pédales.
Pianoforte de René Cochu à Troyes vers 1800.
Son épouse étant décédée le 27 août 1828 à Troyes, il épouse à 79 ans le 23 septembre 1828 Marguerite Marthe BIETRIX âgée de 51 ans.
Pianoforte de René COCHU à Troyes.
René COCHU est décédé le 2 avril 1829 à Troyes à l'âge de 80 ans.

Il existait un COCHU luthier et accordeur de pianos à Paris en 1799 rue des Fossés Montmartre et jusqu'en 1810 rue Vieille du Temple, Hôtel Soubise. Nous n'avons pas trouvé le lien avec nos Cochu (S'il y en a un).

Bibliographie : Jean Claude Battault : Les facteurs de pianoforte des provinces de France 1760-1820. Musique/images/instruments. N°11.






samedi 28 mars 2015

Jacques NONON facteur de flûtes et de hautbois dans l'ombre du grand TULOU.

La vie et l'oeuvre de Jean Louis TULOU (1786-1865), flûtiste virtuose, professeur au conservatoire de Paris de 1829 à 1856 et ardent opposant à la nouvelle flûte BOEHM, est particulièrement bien documentées, notamment grâce à la thèse de Michèle TELLIER : "Jean Louis TULOU : flûtiste, professeur, facteur". Paris 1981 en deux volumes ; Thèse passionnante, très riche et qui se lit comme un roman...mais "cachée"dans les réserves de la Médiathéque de la Cité de la musique de La Villette.
Portrait de Jean Louis TULOU.
Cet ouvrage si il est très documenté sur Tulou, ne dit pas grand chose de Jacques NONON et n'évoque que partiellement les instruments de ces deux personnages. Dans cet article nous souhaiterions aborder ces deux points.
Mais pour être complet nous souhaiterions solliciter votre aide pour :
1) Répertorier les instruments "Tulou" et Nonon, flûtes et hautbois ; la marque "Tulou au rossignol" a été utilisée de 1828 ? à vers 1920. Ceci dans le but de dater les instruments et d'en comprendre l'évolution. Envoyez nous des photos, des infos....Bien sur nous connaissons les instrument des musées européens et les instruments proposés par les principaux marchands sur leurs sites. La précision des numéros est importante...et si vous avez des suggestions.....














2)Répondre à la question : "Un autre facteur que Nonon a-t-il collaboré avec Tulou" dans la fabrication d'instruments. Certains évoquent la collaboration avec Pierre GODFROY le jeune ? Même si le Langwill évoque ce facteur c'est comme fournisseur de flûte (comme Bellissent) au "musicien" TULOU ; d'autres évoquent les poinçons de clés en argent : PG ? Si vous avez des poinçons de clés PG sur une flûte TULOU.......
Une des marques de P. GODFROY
Jeune.
Si vous souhaitez nous aider n'hésitez pas à nous contacter.


Qui était Jacques NONON ?
On ne savait pratiquement rien de Jacques NONON sinon qu'il était né à Metz en Moselle en 1802. Effectivement il est né à Metz le premier mai 1802 et appartenait à une famille de tourneurs mosellans. Son père Gaspard NONON (1770-1836) était tourneur à Metz, son grand père Jean Louis NONON (?-1813) était aussi tourneur à Metz.....Le premier tourneur de la famille était un arrière grand oncle, Jean Nicolas NONON (1687- ?) tourneur à Ranguevaux, berceau de la famille, petite commune de la vallée de la Fensch prés de Joeuf (patrie de Platini.....le footballeur).
Ranguevaux actuellement.
Cliquez sur l'image de la Généalogie NONON pour l'agrandir.
Jacques NONON a été formé au métier de tourneur par son père et/ou par un membre de sa famille mais ce n'est pas en Moselle qu'il a pu être formé au métier de facteur d'instruments de musique. A-t-il fait un tour de France comme on le faisait à cette époque et comme Jean Daniel HOLTZAPFFEL, facteur natif de Strasbourg, exerçant à Paris nous le raconte dans ses mémoires?
Cliquez sur le lien suivant pour voir l'histoire de ce facteur alsacien : 

Ou est-il "monté" directement à Paris ? Actuellement on ne sait rien sur cette période. C'est en 1828 que l'on entend parlé de lui à Paris pour la première fois.
Flûte historique réalisée par Jacques NONON en 1828 et qu'il a présenté la
même année à TULOU lors de leur rencontre.
(Musée de la musique de Paris La Villette E 401)
"Le nouveau catalogue du conservatoire" Gustave Chouquet.
Nonon a présenté cette flûte à Tulou en 1828 est serait donc à l'origine du partenariat créé en 1831. Il n'y a pas de doute sur l'origine de cet instrument, puisque c'est Nonon lui même qui en a fait don au musée du conservatoire en 1872, en précisant sa qualité. Lors de sa rencontre avec Tulou, Nonon avait 26 ans et la flûte qu'il lui présente est caractéristique des flûtes de cette époque, dans sa facture, sa conception, sa réalisation......Elle pourrait provenir des ateliers de Bellissent, Godfroy, Triébert....mais elle montre surtout que Jacques NONON maîtrisait  la fabrication de flûtes et qu'il avait sans doute travaillé pour ou chez les grands facteurs de cette période ; il faudrait la jouer pour en apprécier les qualités musicales.
Marque de cette flûte. (Désolé pour la qualité de cette photo,
mais je n'avais pas le bon matériel lorsque j'ai pu observer
cette flûte au musée. Merci à T. Maniguet pour son accueil,
mais il faudra que j'y retourne...pour prendre des photos
convenables).  
Cette marque suggère que J. NONON avait un atelier en 1828 et a continué d'exercer seul jusqu'en 1831. Il ne figure, à notre connaissance sur aucun annuaire de cette époque et on ne connaît pas son adresse. Aucun autre instrument, portant cette marque n'est connu....
Flûte de Bellissent de la même époque. (Collection RP)
Autres questions : Quand TULOU  a t il commencé la fabrication de flûte et pourquoi ?
"Comment J.L. TULOU, virtuose célèbre, s'improvisa-t-il facteur ? On ne sait, mais ce n'est pas à coup sûr pour combattre la flûte Boehm, puisqu'elle ne parut qu'après 1832 et que nous le trouvons fabricant dès 1818....." (Constant PIERRE : Les facteurs d'instruments de musique).
Affirmation discutable de C. Pierre surtout pour le début de J.L. Tulou comme "facteur": 1818 ?
Bien sur il a du "collaborer" avec BELLISSENT pour l'amélioration de ses flûtes, puisque ce dernier dés 1820 annonçait dans l'annuaire Bottin : "Bellissent, facteur de flûte de l'école royale de musique et de Mr TULOU première flûte de l'opéra"....et  en 1830 ils étaient trois facteurs à s'annoncer comme "le fournisseur" de TULOU dans le même annuaire. "BELLISSENT , flûtes, fournisseur de Tulou et de l'académie royale de musique". " GODFROY aîné (Clair), fabricant de flûtes, clarinettes, flageolets, facteur de l'académie royale de musique, de l'école royale et des principaux professeurs de la capitale....." " GODFROY jeune, facteur en tout genre, connu particulièrement pour la flûte, fournisseur de M. Tulou et autres artistes distingués....."
Marque et flûte de Clair Godfroy aîné (Collection RP)
Nous venons de trouver un article intéressant qui donne une explication sur cette création d'atelier en 1831. Il s'agit d'un article paru dans "La France Musicale" du 18 novembre 1855 qui "glorifie" les acteurs éminents de l'exposition de Paris de 1855. Nous reviendrons régulièrement sur cet article riche d'informations. On peut y lire : " Wunderlich, maître de Tulou et de tous les flûtistes célèbres en France dans la première moitié de notre siècle, fut le premier à se servir chez nous de la flûte à plus d'une clef. Le premier nom français qu'il y ait à citer dans cette industrie est celui de DELUSSE, fabricant établi à Paris à l'époque de la première révolution. Ses instruments étaient appréciés ; ils avaient autant de justesse qu'il était possible de leur en donner à cette époque, et possédaient surtout une belle qualité de son.....Au fabricant Delusse succédèrent les frères WINNEN, (Pére et Fils selon Langwill) également établis à Paris. Le premier se servait d'une perce très large qui donnait de la puissance aux notes graves, mais qui empêchait les notes élevées de sortir avec facilité ; le second avait fait l'acquisition des perces de Delusse, et obtenait quelquefois, grâce à cette circonstance, d'assez bons résultats. Ce fut chez lui que Tulou acheta la flûte avec laquelle il fit sa réputation de virtuose. 


Flûte 4 clés de Jean WINNEN. (Musée de La Villette E 994.7.7)
"Un peu plus tard, ayant découvert un ouvrier intelligent, nommé GODEFROY, il lui donna sa flûte pour modèle, essaya ses instruments, et lui prodigua les plus sages conseils. Tous deux parvinrent à corriger les défauts de justesse qu'on rencontrait trop souvent sur les flûtes de cette époque. Il suffisait à Tulou de patronner un facteur pour lui assurer une clientèle. La maison GODEFROY aîné acquit bientôt une grande vogue ; mais à mesure qu'elle multipliait ses produits et leur trouvait de nouveaux débouchés, on se montrait moins disposé à faire des essais. C'est alors que Tulou conçut l'idée de monter lui même un atelier. La première flûte qu'il construisit fut trouvée parfaite de tous points ; chacun voulut en avoir une semblable. Et c'est ainsi que, de succès en succès, de commandes en commandes, l'éminent artiste devint fabricant. L'exposition universelle nous fournit naturellement l'occasion d'apprécier ses travaux, leurs résultats et leur porté".
Cette article publicitaire...nous donne des infos intéréssantes sur les flûtes jouées par Tulou, mais aussi essaie de faire de Tulou le conseillé des facteurs qui les a propulsé vers la réussite....Et NONON ? Oublié ? Mais l'on était en 1855....

Le premier document mentionnant la fabrication de flûtes par TULOU date du 19 mars 1831. C'est un article de la revue musicale (Source M. Tellier)
" Nouvelle flûtes de M. TULOU".
La gazette musicale de 1831.
Dans cet article qui commence par analyser les faiblesses de la flûte : justesse, égalité des sons graves et de l'aiguë..."Il appartenait à un professeur dont la longue expérience et le talent fini avaient su apprécier toutes ces imperfections, de faire les recherches nécessaires sur les moyens propres à obvier à d'aussi graves inconvénients. M. Tulou a donc entrepris cette tâche dans l'espoir qu'il pourrait faciliter les progrès des amateurs en leur offrant des instruments dont ils n'auraient pas à combattre sans cesse les défauts, et qui, par leur état perfectionné, seconderaient leur habileté dans l'exécution au lieu d'y mettre obstacle".
"Mr Tulou a cherché à faire disparaître l'inconvénient des corps de rechange, et surtout celui de la pompe". 
A cette époque la plupart des facteurs utilisait un "barillet" comme pompe d'accord qui présentait un inconvénient majeur selon lui et c'est pour cette raison que toutes les flûtes Tulou n'ont pas de pompe d'accord.
Tête d'une flûte, avec pompe d'accord de Clair Godfroy aîné vers 1825.
(Collection RP)
Cet article donne également l'avis de Tulou sur "l'inconvénient des corps de rechange" utilisés pendant une courte période pour accorder la flûte aux différents diapasons utilisés.
Flûte de Clair Godefroy aîné à 3 corps de rechange.
 (Dayton Miller collection)
Il préconise le système des anneaux pour ajustés la tonalité, système qui aurait été imaginé par NONON, qui placés "aux emboîtures et allongeaient l'instrument d'un demi ton ou d'un quart de ton, suivant leur grosseur". (C. PIERRE)
Jean Pierre DANTAN (1800-1869)
J.L. Tulou, statuette à charge.
(Musée Carnavalet)
"M. Tulou s'est aussi attaché à trouver des formes simples et élégantes dans les clés, et en a surtout diminué le volume, qui donnait à l'instrument de la lourdeur sans utilité. Ces avantages seront appréciés par les amateurs et les artistes et ne peuvent manquer d'influer sur les progrès de la flûte. Le nom de Mr Tulou les recommande suffisamment. Aucun instrument ne sort des ateliers de ce professeur célèbre sans avoir été essayé et reconnu bon par lui. On peut s'adresser directement à M. Tulou, à Paris, N°18 rue Bleue".
Une des premières flûtes Tulou, avec des bagues en ivoire.
(Collection Dr Lino-Tula Giannini)
Quant aux motivations de Mr Tulou pour créer cet atelier, il faut lire la thèse de Michéle Tellier qui cerne parfaitement le caractère de cet artiste, pour comprendre. Pour notre part nous voudrions mettre l'accent sur une des motivations, à notre sens essentielle : c'est le besoin de s'assurer des revenus complémentaires. Il faut comprendre qu'après sa disgrâce politique de 1821 où Joseph GUILLOU (1787-1853) lui avait été préféré pour le poste de professeur au conservatoire de Paris et  de sa démission de l'opéra de Paris, le "grand" Tulou avait du connaître une période délicate dans tous les domaines.
Christophe ROSTANG dans le n° spécial du Larigot concerné  à F.G.A. DAUVERNE, explique bien la nécessité pour ces artistes musiciens dont les appointements de l'opéra et du Conservatoire n'étaient pas suffisants pour leurs assurés "un train de vie de grand bourgeois" digne de leurs renommés, étaient contraints de trouver des ressources complémentaires. Tulou avait trouvé dans son "association" avec Nonon une opportunité pour s'assurer des moyens confortables. Bien sur ce n'était pas sa seule motivation mais ..... 
G. Héquet flûtiste écrivant un article nécrologique sur Tulou, mentionne :" .....Il (Tulou) réussit mieux dans la fabrication des flûtes (que dans la peinture, une de ses passions), dont il s'occupa longtemps, et à laquelle il a dû probablement une grande partie de l'aisance dont il a joui...."
A. Lavignac, dans son Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire, est encore plus dur et sans doute très injuste dans son jugement : ....Il (Tulou) garda longtemps son poste au conservatoire, s'associa entre temps avec Nonon pour la fabrication des flûtes, n'apportant guère à l'association que l'immense prestige de son nom. Cette exploitation lui laissa de fort beaux bénéfices...."
Tulou et Nonon ont produit dans cette période de 1831 à 1849 des flûtes plutôt  à 5 clés ou 6 clés de très belles qualités qui furent réguliérement récompensées aux expositions de 1834, 1839, 1844, 1849.
Flûte de Tulou à 5 clés vers 1835. (Collection Tula Giannini)
Essayons de classer chronologiquement les flûtes signées Tulou et de comprendre leurs évolutions.(Il ne s'agit que d'un essai que nous affinerons au fur et à mesure de nos recherches- Si vous voulez nous aider et participer à cet essai vous êtes les biens venus).
Flûte de Tulou 5 clés vers 1835. (Musée de Bruxelles)
Les flûtes de la première période de cet atelier(1831- 1839 ?) sont baguées métal (argent généralement), les bagues sont larges, il n'y a jamais de pompe d'accord, les clés sont fines.....(Nous affinerons nos descriptions d'instruments lorsque nous aurons répertoriés plus d'instruments et surtout lorsque nous aurons vu les instruments).
Flûte Tulou à 6 clés, datée 1844. (Collection RP)
Celles de la seconde période : 1840 ? à 1849 ? Une flûte offerte à Gustave LEMOUX (1828-1875) en 1844 pour l'obtention de son premier prix de flûte du conservatoire, permet d'analyser les flûtes produites dans cette seconde période.
Il s'agit d'une flûte à perce conique, composée de quatre parties avec des bagues très fines pour alléger l'instrument, qui est doublée en métal au niveau de la tête ainsi qu'aux jointures, assurant une étanchéité parfaite. Elle est munie de 6 clés très fines (en argent), mais la sixième clé n'est pas la longue clé de Fa main gauche, que l'on trouve habituellement sur les flûtes à six clés de cette époque, mais une clé de Fa dièse créée par Tulou.
"J'ai ajouté une petite clé qui sert à hausser le Fa dièse et qui donne à cette note toute la justesse désirable, surtout lorsque la phrase doit être exécutée piano". (Jean Louis Tulou : Méthode de flûte progressive et raisonnée)
"Ce modèle de flûte Tulou peut être considéré comme la flûte romantique portée à sa perfection.
Flûte Tulou donnée par Tulou à Moudreux en 1847. (Musée de Paris E 399)
Cet exemplaire ci-dessus de la même période et de même facture peut être daté de 1847, puis qu'il avait été donné par J.L. Tulou lui même à son ami MOUDREUX à cette date. Elle diffère par l'absence de "clé de Fa dièse de Tulou".....et surtout par la présence d'une pompe d'accord.
Mais que dire de cette petite merveille de flûte (de cette deuxième période de l'atelier Tulou/Nonon) du Métropolitan Museum de New York...dont je n'ai trouvé ni la provenance, ni le propriétaire.
Flûte Tulou à 7 clés en or. (Metropolitan Museum de New York)
Hautbois Tulou offert à Stanislas Verroust en 1849.
 (E 992-1 Musée Paris La Villette)

Cette flûte exceptionnelle à sept clés en or, avec clé de Fa dièse Tulou et longue clé de Fa main gauche est datée par le Met "vers 1852"....mais peut être plus tôt si on la compare au hautbois donné en 1849 à Stanislas Verroust (1814-1863) du Musée de Paris La Villette.
Cette fin de deuxième période est l'apogée de la collaboration Tulou-Nonon....Même si l'on ne voit pas souvent le nom de Nonon cité dans les documents sur Tulou, celui qui était contre-maître de l'atelier devait être l 'artisan majeur de cette qualité....d'où sans doute "ses envies de liberté" de 1852 assez éloignées des considérations évoquées par Tula GIANNINI ( ) expliquant le refus de Tulou à fabriquer des flûtes Boehm, comme raison principale de "leur séparation".
Flûte avec deux corps et 5 clés. Vue sur Ebay.
M. Tellier nous dit que l'on ne connaît pas grand chose sur l'atelier Tulou-Nonon : " ...en 1839, le chiffre d'affaires de la fabrique se situe entre 40000 et 45000 frs par an. Elle emploie dix ouvriers en tout, six dans son intérieur, quatre en dehors qui sont rémunérés de 4 à 9 francs par jour. Les matériaux qu'il emploie sont le bois des îles, l'or et l'argent et il déclare vendre ses instruments en France et à l'étranger à des prix allant de 50 à 600 frs".
Le 25-27 rue des Martyrs, aujourd'hui le 23.
"L'atelier est sis à la même adresse que le domicile de Mr Tulou, 27 rue des Martyrs, au rez de chaussée d'un bâtiment à droite au fond de la cour..." M. Tellier a retrouvée son emplacement (Arch. de Paris, Sommier foncier, Cadastre de 1852).
Le 27 rue des Martyrs, coté cour. (aujourd'hui le 23 rue des Martyrs)
"Le dit Tulou, facteur d'instruments de musique....Une grande pièce divisée par atelier, parquetée. Exposition cour, trois fenêtres. Valeur locative 350 frs". L'habitation de Nonon "commis de 
M. Tulou", y est également décrite : "Deuxième étage (bâtiment au fond de la cour à droite). A droite en aile, pièce au fond. Exposition cour. Une fenêtre. Valeur locative 190 frs".
Le 27 rue des Martyrs immeuble coté cour.
Appartement de Tulou premier étage.
Tulou avait emménagé au 27 rue des Martyrs, avec sa deuxième épouse en 1832....et Nonon. Il y occupait l'appartement du premier étage à gauche : "Antichambre en 2°jour en face salon. Exposition rue. Deux fenêtres. Chambre à coucher avec alcôve, sur rue ; deux fenêtres. A gauche de l'antichambre une salle à manger, coté cour ; une fenêtre. A gauche chambre à coucher, coté cour ; une fenêtre. A droite de l'antichambre, aisance et cuisine, coté cour ; deux fenêtres. Valeur locative 1400 frs".
Flûtes à partir de 1850 ? La derniére partie de la collaboration.
C'est vers 1850 que Tulou innove avec sa "Flûte perfectionnée" , qui sera décrite dans sa méthode parue en 1851.
Extrait de la méthode Tulou de 1851.

En fait c'est une flûte à dix clés, avec en plus la "clé de Tulou"de Fa# et une double clé d'Ut, à patte d'Ut. Donc c'est une flûte à 12 clés qui est décrite dans sa méthode.

Sur ce sujet il y a deux interprétations ; La première celle de Michéle TELLIER qui situe cette flûte perfectionnée vers 1851, pourquoi ? Parce qu' elle est présentée par Tulou dans sa méthode parue en 1851....(Mais l'on est pas sur de la date de parution de cette méthode en 1851).....
La seconde donnée par Tula GIANNINI proposée dans son ouvrage " Great Flute Makers of France" date la méthode de Tulou, dans laquelle il décrit sa flûte perfectionnée, vers 1842. Donc la flûte perfectionnée aurait été fabriquée à partir de 1840.....cette hypothèse est argumentée à partir de certains documents que nous allons essayés de rassembler pour mieux les comprendre ; même si notre conviction rejoint la proposition de M. Tellier qui est nettement plus réaliste...et plus logique, mais faut-il l'argumenter...C'est l'un des buts de cet article...mais nous ne pouvons le faire qu'en ayant observer un maximun de flûtes perfectionnées "TULOU". 
Commentaire de Tulou sur sa flûte perfectionnée.(Extrait de sa méthode)
C'est donc cette flûte que l'on nomme système Tulou et qui sera utilisée en France, jusque vers 1920 par de nombreux flûtistes, "réfractaires" à la flûte Boehm. Mais J.L. Tulou restera toujours opposés à la multiplication des clés...donc à sa propre flûte perfectionnée. 

Commentaire de Tulou sur l'intérêt des clés. (Extrait de sa méthode)
Alors pourquoi sortir ce système de flûte à 12 clés ? 1850 est la période charnière pour l'évolution de la flûte en France ;Théobald BOEHM venait d'obtenir le 9 octobre 1847 à Paris, son brevet pour sa nouvelle flûte qui résolvait une grande partie des problémes rencontrés avec son modèle de 1832. 
Flûte de Boehm de 1847. (Collection DCM)
L'exposition de Paris de 1849 n'avait pas encore consacré la flûte Boehm et avait confirmé la médaille d'argent obtenue par Tulou en 1844. Cette nouvelle flûte perfectionnée arrivait opportunément pour "continuer" la lutte.
Flûte à 11 clés (sans longue clé de Fa) de Tulou N°632.
Il semblerait (à confirmer) qu'à partir de 1849-1850 les flûtes sortant des ateliers Tulou-Nonon portent un numéro.....Nous avons essayé de répertorier les flûtes que nous avions dans nos dossiers....
Si vous connaissez d'autres instruments, merci de nous aider à compléter ce tableau
Ce que nous appelons le système simple, ce sont des flûtes identiques à celles de la seconde période. Le système intermédiaire lui est identique au modèle du MET (Clés en or) de la seconde période, avec une clé de cadence de ré en plus, donc généralement une flûte à 8 clés. La patte d'Ut "type ancienne" correspond à une qualité de clétage que l'on trouve sur les flûtes de cette période. Nous ne traiterons pas des hautbois dans cet article (pour en limiter la longueur, mais ils nous intéressent, bien sur).
Patte d' Ut d'une flûte Tulou N° 632.
Nonon quitte l'atelier de Tulou au début de l'année 1853 ; GAUTROT Aîné annonce dès 1856 dans l'annuaire Bottin : " ....Associé de M. Tulou pour la fabrication et la vente de ses flûtes et hautbois.....60 rue Saint Louis, Marais...". On peut donc considérer que l'atelier de Tulou a continué, de 1853 à 1855 (date le l'exposition de Paris) de fabriquer des instruments.
Il serait intéressant de pouvoir différencier dans les instruments portant la marque Tulou et numérotés, ceux fabriqués dans l'atelier NONON-TULOU (1849-1852), ceux de l'atelier TULOU seul (1853-1855), et le début de la fabrication GAUTROT Aîné (1856-1867). Quand on sait que Louis LOT le grand facteur de flûtes produisait une centaine d'instruments par an en 1855, on pourrait dire d'une façon très approximative que l'atelier Nonon-Tulou produisait (en fonction du nombre d'ouvriers), 150 instruments par an, c'est à dire que les instruments numérotés de 1 à 450 auraient été fabriqués avant 1853, ceux jusqu'aux numéros 900 avant 1856.....et ceux après le numéro 900 seraient fabriqués par Gautrot Aîné....Ouf que d'approximations, que de spéculations, que d'hypothèses non fondées et non prouvées....Mais il y a une piste qu'il faut creuser.....Alors dites nous ce que vous en pensez et surtout signalez nous des instruments pour que l'on puisse les étudier, les analyser. (A suivre....). Autres spéculations, il semblerait que les hautbois numérotés entre dans cette liste et n'auraient pas de numérotation spécifique. Donc spécialistes du hautbois à vous de jouer...Bien sur cet article "Brouillon de travail" sera modifié régulièrement. 
Flûte de Gautrot Marquet à 10 clés vers 1865.
NONON-TULOU, la rupture.
Cette séparation qui a eu lieu début 1853 ne c'est pas très bien passé comme le relate cet article du journal "Le Nouvelliste" du 10 décembre 1853.

On peut lire dans cet article, que Mr NONON "....a élevé un établissement rival de celui qu'il avait si longtemps dirigé....mais il a publié des circulaires dans lesquelles il rappelle qu'il a été pendant 22 ans contre-maître de Mr TULOU et il ajoute qu'il est le seul propriétaire des perces et des principaux outils qui servaient dans la fabrique de Mr TULOU et qui sont indispensables pour atteindre le degré de perfection qui a été donné aux flûtes et aux hautbois...".
On peut apprécier le ton paternaliste utilisé ...."....pendant tout ce temps (Mr Nonon) a été plutôt l'ami que le subordonné de son patron...." On voit bien que NONON était le principal acteur de cet atelier, dans la fabrication d'instruments. TULOU demande donc, réparation au tribunal de commerce ; ils seront renvoyés dos à dos....NONON pourra utiliser son "titre " d'ancien contre-maître, mais ne pourra prétendre à être le seul à posséder les perces et les outils....mais il ne lui est pas demandé de les rendre. Cet avis de justice sera publié dans la presse et les frais seront partagés entre les deux protagonistes.
Portrait de Tulou. (E 995.6.62 Musée de La Villette Paris)
Jacques NONON s'installe dés 1854 au 8 rue Rochechouart. Les deux rivaux qui n'étaient guère "bavards" dans les annuaires commerciaux, deviennent très actifs : Pour Tulou on peut lire dans l'annuaire Didot Bottin de 1853 : "Tulou, professeur au conservatoire, rue des Martyrs, 27 : 1834, 1839, 1844, 1849. Fabrique de flûtes et de Hautbois. Flûte perfectionnée, par la nouvelle perce de cette flûte en patte d'ut, l'instrument a plus de justesse et les sons graves plus de puissance. La nouvelle disposition des clés permet de faire avec aisance certaines cadences défectueuses et rend beaucoup de passages d'une exécution facile. Il vient de faire paraître sa méthode de flûte, ouvrage autant utile qu'agréable par ses démonstrations claires et par la quantité de thèmes choisis  qui s'y trouvent". (Ce document est une preuve supplémentaire pour confirmer la date (1851) de sortie de sa méthode et l'apparition de la flûte perfectionnée vers 1850).
NONON répond dans l'annuaire de 1854 : "NONON (J.), ex contre-maître de la maison Tulou pendant 22 ans, fabrique spéciale de flûtes et de hautbois, rue Rochechouart 8, prés la place Cadet, seul délégué par la ville de Paris comme commissaire pour les instruments à vent à l'exposition de Londres. Aucun instrument portant le nom de NONON ne sort de ses ateliers sans avoir été essayé et reconnu bon par Mr Henri ALTES, première flûte de l'académie impériale de musique et Mr VERROUST, professeur au conservatoire et premier hautbois de l'académie impériale de Musique".
Marque de Jacques NONON.
Le 30 avril 1854, Jacques NONON obtient un brevet de 15 ans pour des "Perfectionnements apportés dans la disposition des instruments de musique en bois", qui concernent le hautbois et la flûte.
(Nous ne développerons pas les éléments du hautbois dans cet article). ...Il améliore pour la flûte dans ce premier document : "Les clés de mib, si# et fa# qui sont réparties sur tiges et articulées grâce à des ressorts à aiguilles". Ces améliorations simplifient le mécanisme, augmentent la légèreté et la solidité de l'instrument, et rendent le touché plus égal.
Clé de Fa dièse montée sur l'axe.
Ou la clé de Tulou modifiée.
Cette modification de clé de Fa # se retrouve sur les instruments de Nonon.
Flûte à 13 clés argent de Nonon correspondant au brevet.
(Collection David Shorey)
Le 3 mars 1855 il demande un certificat d'addition à son brevet pour préciser les améliorations apportées à sa flûte.
Description du certificat d'addition de mars 1855. (Source Inpi)
Il décrit dans ce certificat la façon dont il envisage de mettre les clés de cadence do et de ré pour les mettre dans l'alignement des trous  (comme on le voit sur le schéma), mais en fait ce principe ne sera pas utilisé dans ses flûtes sans doute parce que le principe était trop complexe.
Flûte de Nonon correspondant à la description du brevet (A l'exception des deux clés de cadence qui se situent de
l'autre coté de l'axe). (Vente Vichy Juin 2006)
Une autre particularité des flûtes Nonon décrite dans ce brevet : la double clé d' Ut actionnée par le pouce de la main gauche.
Double clés de Do et clé de si b.













Le 13 octobre 1855 il demande un certificat d'addition à son brevet pour : "Un perfectionnement au montage des tubes des anches de Hautbois".
Mais 1855 à surtout été l'année de l'exposition universelle qui consacra T. BOEHM  et donc sa flûte, puisqu'il reçoit la plus haute distinction : la grande médaille d'honneur, C'est aussi la première (et dernière) confrontation entre Tulou et Nonon. Tulou recevra une médaille de première classe et Nonon une médaille de seconde classe.
Cette exposition marquera également la fin de l'activité de Tulou en temps que fabricant. Gautrot Aîné prenant en charge la fabrication de ses instruments, comme nous l'avons vu plus haut.
Portrait de Tulou vers 1855.
On peut lire dans la Revue France Musicale de novembre 1855 un article qui montre que Tulou n'avait pas vraiment abandonné la lutte pour imposé sa "Flûte perfectionnée", même s'il avait passé le témoin à Gautrot. Il est vrai que Tulou avait des besoins financiers importants à cette époque parce qu'il souhaitait installer son fils unique Louis Tulou à la tête d'une distillerie à Belle Île en Mer, qu'il achète en 1856.
"Mr Tulou expose notamment une flûte construite d'après son nouveau système, à laquelle il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver le plus léger défaut de sonorité ou de justesse ; elle est tellement perfectionnée qu'elle permet d'exécuter  avec facilité les traits les plus compliqués de la musique moderne. Or si l'on songe à l'état d'infériorité où se trouvait l'ancienne flûte, sous le rapport de la facilité d'émission et de la sonorité sur toutes les notes, on avouera que c'est là un véritable progrès ; ajoutons qu'on le doit uniquement à Tulou. Des essais multipliés, joints à l'étude approfondie des phénomènes acoustiques résultant des vibrations de la colonne d'air cylindrique, lui ont permis de déterminer d'une manière absolue les dimensions de ses perces et la place que les trous doivent occuper ; enfin par la nouvelle disposition de ses clefs, il obtient aisément certaines cadences qu'on ne pouvait produire sur l'ancienne flûte. Ces diverses modifications, hâtons nous de le dire, n'ont pas été effectuées, comme il était possible de le craindre, aux dépens de la sonorité primitive de l'instrument et du caractère particulier de cette sonorité. La flûte demande, à coté d'une vibration sonore, des sons doux et suaves ; la flûte est la flûte, en un mot, et M. Tulou s'est toujours gardé de la confondre avec tel ou tel autre instrument à vent. Celle qu'il expose, d'ailleurs, et à laquelle il a donné le nom de flûte perfectionnée, ne cède nullement, soit pour la puissance des sons, soit pour la justesse et la facilité du jeu, au meilleur instrument de même nature et de système différent qui pourrait lui être opposé.....Outre ses excellentes flûtes, M. Tulou expose une série d'instruments à vent en bois, tels que hautbois, bassons, clarinettes, tous perfectionnés d'après son nouveau système, et d'une remarquable sonorité".
Tulou a publié deux méthodes de flûte dont
Celle ci en 1859 qui est une adaptation
pour débutant de sa méthode de 1851.

Tulou prend sa retraite à la fin de l'année 1859 et s'installe à Nantes en 1860 ; il a 74 ans. Il décède  à Nantes le 24 juillet 1865.
Quant à Nonon il continue d'exercer au 8 rue de Rochechouart jusque vers 1863 où on le retrouve.......27 rue des Martyrs dans l'immeuble où il travailla avec Tulou.
Flûte NONON Système Tulou à 12 clés.
La plupart des ouvrages précise que Tulou et Nonon se sont séparés à cause de la flûte Boehm....Alors "tordons le cou" à cette légende ; en effet la première action de Nonon "enfin libre" en 1854 est de prendre un brevet pour une amélioration de la flûte perfectionnée de Tulou.....et surtout une fabrication principalement d'instruments de ce modèle. Pour le moment nous n'avons répertorié que trois flûtes Boehm réalisées par Nonon : une appartenant à Tula Giannini avec une clé de Dorus qui pourrait avoir été réalisée dans les années 1855 :
Flûte Boehm avec clé de Dorus de Nonon.
Une qui est passée en vente à Vichy en décembre 2007 et qui est dans une boite Nonon avec l'adresse du 27 rue des Martyrs, c'est à dire que l'on peut la dater  comme étant fabriquer, après 1862.
Flûte Boehm de Nonon; (Vichy déc 2007)
La troisième est une flûte Boehm cylindrique de la fin de l'activité de Nonon vers 1870, de notre collection.
Flûte Boehm cylindrique de Nonon. (Collection RP)
La plupart des documents mentionne que Jacques NONON "serait décédé vers 1867", "car il ne pouvait survivre...." c'est très "romantique"....mais complètement faux. Et même M. TELLIER dans sa thèse écrit : "....(Nonon), Après 1853 il poursuivra ses travaux dans sa nouvelle demeure 8 rue Rochechouart, jusqu'en 1867, année présumée de sa mort". Et bien non en 1872 (Nonon propriétaire) fait don, en personne, au conservatoire de sa flûte qu'il montra à Tulou en 1828. Jusqu'en 1875 il a son atelier 23 rue des Martyrs (Même adresse que 27 mais les numéros ont changés).
Signature de Jacques NONON en 1855.
Durant toute sa vie, même s'il resta célibataire, il continuera à entretenir des liens avec sa famille restée à Metz et en particulier avec son frère aîné, Pierre NONON né à Metz le 13 octobre 1799, et ses neveux Eugène NONON Marchand de bois de construction né à Metz en 1828 et de Jean Alphonse NONON   né en 1841 à Metz. C'est eux d'ailleurs qui seront témoins à son décès le 5 juin 1877 à Paris à son domicile 26 rue Véron.
Acte de décès de Jacques NONON.